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19 janv. 2015

Loin de mon père - Véronique Tadjo

Je connais Véronique Tadjo depuis toute petite grâce à ses histoires pour enfant. Depuis peu, je découvre une autre facette de cette auteure, à travers ses romans. Le premier d’entre eux que j’ai lu était Champs de bataille et d’amour . Et récemment, un ami m’a prêté celui-ci. Bien que je ne connaisse pas l’ensemble de l’œuvre de l’auteur, je dois dire que j’ai déjà le sentiment de connaître ses sujets de prédilection. Du moins, des sujets qui la passionnent car bien que Champs de Bataille et d’amour (2006) et Loin de père(2010) nous parlent de sujets différents, j’y ai retrouvé des thèmes similaires : la question des couples mixtes et celle de pays en proie à de profondes déchirures.

Dans Loin de mon père, Véronique Tadjo nous raconte le retour de Nina dans son pays natal pour une funèbre occasion : le décès de son père, le célèbre docteur Kouadio Yao. La jeune femme n’était pas retournée en Côte d’Ivoire depuis de nombreuses années en raison des crises sociopolitiques qui avaient secoué le pays. Et puis… elle avait continué sa vie ailleurs, en France, son autre pays car elle est franco-ivoirienne. Bien que semblant déconnectée des réalités de son pays, Nina va devoir participer à l'organisation des funérailles.


Photo prise par Armand Pockpa, auteur du blog : http://monsieurpockpa.blogspot.com/


L’auteure va donc nous entrainer sur les pas de Nina et l’organisation des funérailles dans son pays d’origine.  Entre lenteur et pressions familiales pour que les choses se déroulent selon les habitudes de la Côte-d’Ivoire, la coutume, les croyances et le statut de son père. Nina, elle, bien qu’ayant grandi dans ce pays semble être dépassée par la situation et ne pas comprendre certaines considérations.Toutefois, ce sont les zones d’ombre laissées par son père et dévoilées au cours de son séjour qui la marqueront à jamais. Révélations et secrets de famille éclatent. Mais combien son père en a-t-il emporté dans la tombe avec lui ? Ainsi, au-delà de la perte de son père et de son retour dans un pays encore instable créant un sentiment d’insécurité permanent; ce sont surtout les découvertes qui affecteront la jeune femme. Nina ne sera plus jamais la même. Elle avait gardé une certaine image de son pays, de sa ville natale et de son père qui n’était en fait qu’illusions… Bien qu’étant entouré des siens, elle finira par sentir une pesante solitude, une impression de trahison qui la poussera à se poser des questions sur tous les membres de sa famille : oncles, tantes, mais surtout sur sa mère et la relation qu’elle avait avec son père et sur sa grande sœur Gabrielle qui brille par son absence… Mon personnage préféré, je crois, pour sa franchise, son courage et sa capacité de s’affranchir du poids de certains supposés devoirs et d’éventuels remords. Une femme qui a confiance en elle. C’est un personnage que je ne comprenais pas au départ, mais que j’ai fini par adorer. 

Bien qu’ayant passé pratiquement 243 pages en compagnie de Nina, j’ai l’impression de ne pas la connaître. Le style laconique de l’auteure m’a laissée sur ma faim, car j’ai le sentiment de ne pas avoir pu être entrainée par l’histoire et surtout de ne connaître et comprendre les personnages que très superficiellement. J’ai souvent eu l’impression que Nina était incomprise et qu’elle avait le sentiment qu’une des raisons principales à cela était sa couleur de peau, son métissage.  
« Être métisse, est-ce avoir la bonne ou la mauvaise couleur»? p171
« Toute ma vie, j’ai louvoyé, négocié, feinté. J’ai caressé dans le sens du poil, courtisé l’acceptation, attendu la reconnaissance, espéré l’invitation. Toute ma vie, j’ai tenté de faire preuve de bonne volonté, multiplié les efforts pour être entendue…» P172
Pendant ma lecture, je reprochais à Nina de ne pas connaître certaines réalités du pays alors qu’elle y avait bel et bien grandi. J’étais un peu confuse…Toutefois, au terme de son séjour en tant qu’ADULTE en Côte d’Ivoire, elle aura sûrement, désormais, une réponse à cette question qui lui taraudait l’esprit avant son départ :
 «  Qu'est-ce qui fait un pays? » p19
Une question difficile!



Préface d'Emmanuel Dongala
Édition première en France : Actes Sud (2010)
Coédition solidaire "Le livre équitable"
Collection "Terres solidaires"

14 oct. 2012

Champs de bataille et d'amour - Véronique Tadjo


Lorsque je flâne dans une librairie ou une bibliothèque, les romans ayant des titres relatifs à des histoires d'amour ne m'attirent JAMAIS. Je préfère regarder les dimanches soirs, des films à l'eau de rose qui me mettent du baume au cœur afin de pouvoir affronter la dure semaine qui m'attend.

Je vous dit cela car j'ai fait une exception. Et oui ! Cet été, en fouinant dans les livres de mon défunt grand-père paternel, je suis tombé sur Champs de bataille et d'amour de Véronique Tadjo. Une auteure qui m'est familière pour avoir lu Le grain de maïs magique, Mamy wata et le monstre et Grand-mère Nanan, dédiés aux enfants. C'était donc l'occasion pour moi de découvrir un de ses romans.

Toutefois, j'avoue avoir été surprise de voir celui-ci dans la bibliothèque de mon grand-père. Je pensais (peut-être à tort) que les hommes s'intéressaient peu à ce genre . De plus, le fait qu'il ne fasse pas partie de la catégorie de livres que ce dernier, amoureux de l'Afrique, de son histoire et de son art, lisait , m'a intriguée. J'ai tant bien que mal essayé de trouver les raisons qui auraient pu le motiver mais en vain. Est-ce parce que le livre parle d'un couple mixte comme le sien ? Est-ce ma grand-mère ou l'un de mes oncles qui l'aurait lu ? Quoique je verrais mal ces derniers lire une telle histoire...

Bref, ce roman méritait mon attention après toutes ces questions. Je me suis donc résolue à le lire à mon tour.

Champs de bataille et d'amour , comme son titre l'indique, nous parle d'une histoire d'amour entre deux personnes que tout oppose : il est noir, a grandi en Afrique ; elle est blanche , à grandi en Europe. Après une rencontre incongrue, dans un contexte morbide et ils ne se quittent plus. 

C'est l'histoire d'Éloka et Aimée. Un coup de foudre !

Au début, leur amour est "frais", comme la rosée du matin et plus fort que tout. Ils n'ont plus peur de rien, se sentent la force de pouvoir tout  affronter quand ils sont ensemble car il n'y a que cela qui compte. Aimée , décide alors de suivre Éloka, de rentrer avec celui-ci dans son pays natal,  pour s'y installer et partager sa vie pour toujours. "Ensemble , ils décident d'affronter le désert de solitude pour ne faire qu'un...."Leur amour est alors comme le "Midi" , pétillant, rayonnant, éblouissant !

Survient alors l'ennemi de tous les couples : le Temps : "Mais il  (Éloka) savait trop bien que l'amour suivait toujours les mêmes chemins et que tôt ou tard, ce serait le temps qui imposerait sa loi. Pour le meilleur ou pour le pire".

Lorsque que le temps du Temps arrive, leur Amour prend alors une toute autre tournure, la solitude s'installe. Bien qu'ils soient ensemble,  Ils se sentent finalement seuls, chacun affrontant ses démons de son côté.  De plus ,leur environnement leur rappelle sans cesse que leur amour "fane" et la solitude les ronge de plus en plus. Le flamboyant rouge du jardin, n'a lui même pas survécu au temps : il est tombé lors d'une tempête; comme leur amour est lui-même tombé... Après la tempête, la passion des débuts...

Enfin, chacun tente de s'évader de cette commune solitude, en essayant de briser la routine. L'un des personnages ira plus loin que l'autre, risquant ainsi de bouleverser leur équilibre précaire.

Ce roman a suscité de nombreuses questions en moi. La citation "anonyme" : "One of the hardest parts of life is deciding whether to walk away or try harder" revenait sans cesse et je me suis demandé ce que j'aurais fait si j'avais été dans la situation d'Aimée.



Ce un roman diffère de ceux que j'ai l'habitude de lire. J'avais déjà beaucoup d'appréhension en l'ouvrant et je dois dire qu'il m'a mis mal à  l'aise tant l'auteure arrive à  transmettre au lecteur, la souffrance, la douleur et le combat solitaire des deux personnages à travers le récit de leurs pérégrinations intérieures; marquées par les souvenirs d'un passé joyeux, le vécu d'un présent amer et les questionnements d'un futur incertain.  Le lecteur n'est pas transporté dans la vie des personnages à travers la narration de leurs faits et gestes mais plutôt dans leurs pensées quotidiennes, leurs combats intérieurs, solitaires. L'incertitude de leur amour plane sur fond de déliquescence ambiante : la maison et les meubles se dégradent, la ville elle-même se dégrade, le Rwanda est en pleine guerre civile. Les atrocités qui y sont commises durant le génocide, sont dénoncées , à travers les pensées des personnages et un poème. Il semble que le passé tragique de ce pays , soit un sujet important pour l'auteure, comme en témoigne  un autre de ses écrits : L'ombre d'Imana : voyage jusqu'au bout du Rwanda.

La particularité du texte, réside dans le fait que ce sont les pensées des personnages qui font l'histoire de ce roman. Des pensées entrecoupées de retour à la réalité, de résurgences de souvenirs.

Le début du roman m'a également marqué car la situation d'Éloka coincidait ( drôlement) avec la mienne. Nous étions tous les deux en train de voyager dans un bus. Juste avant de l'ouvrir, j 'étais comme Éloka, en train de regarder défiler les paysages et je pensais à la routine montréalaise que je laissais derrière moi pour Toronto, où une certaine solitude m'attendait.

La fin d'un passage, écœurant mais très bien écrit, sur la mort et la peur de celle-ci :  "Voici venue la saison du deuil et du souvenir alourdi par le poids de l'absence. La colère s'infiltre. La nausée restera. Protestations inutiles contre une mort annoncée. Œsophage en feu, ventre en ébullition, surface de la peau purulente où s'installe la douleur. Le monde se ferme, éjecté. La lente agonie vers le fond de la terre. Grouillement des feux follets dans une obscurité permanente. Et dire qu'il y a quelques années encore, nous rêvions d'être immortels
p58/59, Présence Africaine.